La Bretagne puise son identité culturelle dans l’histoire des hommes et dans la variété de son paléo-environnement. Passant de la lande sévère aux douces bordures littorales, elle offre des paysages hospitaliers rythmés par une géologie diversifiée.
Une lente installation
Dénoncés par la présence d’un outillage lithique assez fruste (choppers et chopping-tools), les premiers hominidés visitent la région environ 650 000 ans avant notre ère. Depuis lors, évoluant au rythme des glaciations (Mindel, Riss et Würm) , ces communautés premières passent d’une errance en quête de nourriture à un nomadisme centré sur la chasse organisée. C’est seulement à partir du début du VIe millénaire avant J.-C. que l’agriculture et l’élevage fixent les clans sur des territoires définis.
Définition d’un terroir
Choisissant en fonction des ressources naturelles, les communautés s’attribuent un espace identifié par des éléments topographiques (cours d’eau, lignes de crêtes, accidents géologiques, etc.). Afin d’assurer sa production, l’homme ouvre le paysage. Son habitat regroupé n’est jamais très éloigné des points d’eau. Sur les sommets environnants, il construit de grands monuments funéraires. Entre ces espaces dédiés à la vie pour le premier et à la mort pour le second, il profite des disponibilités géologiques pour dresser des champs de menhirs.
C’est bien l’association de ces trois espaces distincts qui définit un territoire néolithique.
Malgré les aléas du temps et quelques réaménagements fonciers destructeurs, la multiplication de ces vestiges, encore parfaitement visibles en Bretagne, permet un aperçu de la répartition du peuplement de ces premières communautés d’éleveurs/agriculteurs.
Une architecture en évolution
Apparu sur la péninsule bretonne vers 5000 avant J.-C., le Néolithique se découvre par la présence d’un mégalithisme aux architectures variées. Contrairement à toute logique évolutive, les constructions sont rapidement marquées par le gigantisme. Les grandes sépultures collectives que sont les cairns, comme les menhirs plantés (18,5 m pour le grand menhir brisé Locmariaquer), atteignent des masses et des volumes considérables. Puis, en se réduisant, leur architecture se modifie, alors que leur nombre se multiplie durant les 3 000 années de cette période. Dès l’avènement de la métallurgie (Âge du Bronze vers 2200 avant J.-C.), le mégalithisme est abandonné par une nouvelle société à l’organisation pyramidale plus accentuée.
Porter un intérêt sur le phénomène mégalithique c’est entreprendre une approche des modes de pensée et de raisonnement de ces populations.
Le temps des cairns
Dès les premières sédentarisations les hommes s’engagent dans l’aménagement du monde de leurs morts. Placé sur un point élevé, il est situé hors des lieux de vie. Ces sépultures collectives se présentent sous la forme de grands cairns scellant plusieurs chambres funéraires. En bâtissant, le dos à la mer, une nécropole sur le promontoire de Barnenez en Plouézoch (29), la communauté marque ostensiblement sa vénération et sa déférence pour ses défunts. Les différents espaces sépulcraux sont englobés dans un long tertre tumulaire construit en deux phases. Avec ses 75 m de longueur pour une largeur de 22 m, la masse du monument pouvait dépasser 6 m de hauteur. Cette forme de construction présente dans tout le grand ouest se retrouve tout le long de la bande littorale bretonne, mais est aussi signalée par quelques réalisations identiques à l’intérieur des terres, en bordure du réseau hydrographique, comme le cairn de Ty Floch en Saint-Thois (29). Puis réduisant sensiblement leur volume, les cairns accueillent des chambres funéraires évoluant selon les lieux et le matériau disponible. Sur le site de Larcuste à Colpo (56), l’un des deux cairns compte six chambres réparties de part et d’autre d’un couloir d’accès. Dans d’autres cas on voit apparaître des chambres transeptées, comme au Cruguellic en Plœmeur (56), ou à cellules compartimentées (Mané-Croc’h en Erdeven, 56). Le cairn de Gavrinis (commune de Larmor-Baden, 56), avec toutes ses pierres gravées, constitue un monument exceptionnel pour cette période.
Le temps des allées couvertes
Ces grandes tombes collectives progressivement délaissées, sont remplacées par des allées couvertes parmi lesquelles viendront s’intercaler des dolmens à couloir coudé ou à chambre latérale. Ce type de constructions s’étend de l’embouchure de la Loire à celle du Blavet. On peut citer comme exemple le dolmen de Kernours au Bono (56) ou encore celui de Goërem sur la presqu’île de Gâvres (56).
Les allées couvertes se présentent comme un espace funéraire allongé dont l’entrée est matérialisée par un rétrécissement. Dans quelques cas une chambre ouverte (la cella) est aménagée au dos de la dalle de chevet. Construit en dalles de granite, micaschiste ou schiste, l’espace funéraire est couvert de plusieurs grandes tables de pierre. L’ensemble est inclus dans un tertre tumulaire parfois limité par un péristyle de petites dalles plantées.
Quelques particularités se remarquent de temps à autre. On peut signaler l’imposant monument de la Roche-aux-Fées en Essé (35) qui appartient à la catégorie des dolmens angevins à portique. Les Tablettes de Cournon (56) sont les restes d’un monument du même type.
Des menhirs gigantesques aux champs de menhirs
Les constructeurs de mégalithes entreprennent ensuite d’ériger des champs de menhirs qui constituent une autre forme de gigantisme.
Généralement appliqués sur les lignes géologiques, les grands ensembles se multiplient sur le massif breton. Les plus significatifs suivent l’anticlinal sud de la Bretagne, orienté proche d’un axe est/ouest, et se développent sur les communes de la Trinité-sur-Mer, Carnac et Plouharnel (56). Les ensembles de pierres levées se retrouvent en tous lieux. Pour exemple on peut citer : Monteneuf (les Pierres droites), Languidic (Kersolan) en Morbihan ; Saint-Just (Cojoux), Langon (les Demoiselles), Landéan (le cordon des Druides) en Ille-et-Vilaine ; Camaret-sur-Mer (Lagatjar), Plomeur (Kerfland) en Finistère ; Pleslin-Trigavou (les alignements des Rochers) en Côtes-d’Armor.
Quel sens donner aux menhirs ?
Ces aménagements de pierres levées se sont développés et ont évolué sur plusieurs millénaires pour certains. N’étant pas clairement liés au funéraire, ils semblent vouloir marquer des événements importants pour les communautés néolithiques de tradition orale. L’art rupestre vu sur certains de ces monuments reste un message aujourd’hui encore mal compris. Leur orientation plus dépendante des ressources géologiques locales que d’une volonté humaine les écarte des interprétations astrales.
Un autre type d’organisation lithique regroupe les enceintes mégalithiques en forme d’ellipse ou de quadrilatère (autrefois appelées cromlechs). Ces monuments, qui apparaissent dans la seconde partie du Néolithique, livrent très peu d’informations sur leur fonction. Sont-ils en relation avec le système astral ? Sont-ils liés au funéraire ? Les quelques petits coffres cinéraires, associés à la double enceinte présente sur l’îlot d’Er Lannic dans le golfe du Morbihan, sont trop marginaux pour apporter une réponse.
Quelles que soient les architectures et les fonctions de ces monuments lithiques, leur nombre ainsi que leur omniprésence affirment l’existence de communautés parfaitement structurées. Suffisamment productrices, les activités sédentaires leurs permettaient l’entreprise de réalisations marquantes. Celles-ci soulignent, aujourd’hui encore, la forte identité culturelle des peuples qui ont façonné la Bretagne.