Brest, septembre 1944. Deux soldats américains se déplacent sur les ruines de maisons ; au premier plan, un panneau indicateur routier indique "Finistère / BREST".

Source : Collections du musée de Bretagne. Numéro d'inventaire : 977.0030.171.

Entre le Débarquement, le 6 juin 1944, et le mois d’août 1944, la libération de la Bretagne s’avère très rapide, du moins dans un premier temps. Seule Brest doit patienter avant d’être délivrée en septembre 1944. Mais il faut attendre le 10 mai 1945, deux jours après la capitulation de l’Allemagne, pour voir les deux derniers territoires bretons libérés, les célèbres « poches » de Lorient et de Saint-Nazaire.

La tardive organisation des maquis en Bretagne

Groupe FFI, FTP du quartier Saint-Marc. Caserne Taylor Landerneau octobre 1944.

Source : archives municipales de Brest.

À partir de 1941, des groupes de résistants se forment peu à peu en Bretagne.

Mais l’unification des différents mouvements est tardive. Faute d’approvisionnement en armes, la montée au maquis ne survient de façon massive qu’à partir d’avril-mai 1944, et surtout après le débarquement de Normandie le 6 juin.

[flash-back]Une entrée en Résistance précoce

Malgré cette constitution tardive des maquis, des Bretons et Bretonnes vont s’engager rapidement au sein de la Résistance.

Le départ de nombreux hommes de l’île de Sein (29) vers l’Angleterre, raconté dans un article d'Erwan Le Gall sur Bécédia, en est un épisode emblématique : dès la fin du mois de juin 1940, 128 hommes quittent leur île pour gagner l’Angleterre puis, dans un second temps, rejoindre le général de Gaulle et les toutes récentes Forces françaises libres.

Puis, de mars 1941 au printemps 1942, le réseau Johnny, décrit dans un article d’Emmanuel Couanault sur Bécédia, joue un rôle primordial dans le renseignement et l’action. Implanté dans le Finistère, il étend en quelques mois son activité entre Nantes, Rouen et Paris. Entre mars et juin 1942, cette organisation est anéantie par une série d’arrestations, qui conduisent certains de ses membres au camp de concentration d’Auschwitz. Plusieurs autres réseaux de renseignements agissent en Bretagne tout au long de l’Occupation.

Le « D Day »

Chaque nuit, du 6 au 17 juin 1944, des centaines de containers d’armes et de matériel sont largués dans la région de Saint-Marcel.

Source : musée de la Résistance bretonne de Saint-Marcel.

6 juin 1944. Les Alliés débarquent sur les plages de Normandie.

Aussitôt, les résistants se mobilisent et appliquent les plans de sabotage des Alliés afin de neutraliser la riposte allemande. « La nouvelle du Débarquement entraîne un afflux de jeunes vers les maquis. Mais les résistants manquent d'armes, même si des parachutages, après le 6 juin, améliorent la situation », décrit l’historienne Jacqueline Sainclivier dans un article du Monde. Les jours suivants, ils retardent l'acheminement de troupes et de matériel allemands vers le front normand.

Dans le courant des mois de juin et juillet 1944, des dizaines de groupes de maquisards se constituent, encadrés notamment par les Forces françaises de l’intérieur (FFI). « La levée en masse est considérable puisqu’on estime à environ 35 000 FFI le nombre de combattants, partiellement armés par des parachutages, qui vont appuyer les Américains lors de la libération de la Bretagne en août 1944 », rappelle l’historien Christian Bougeard dans un article sur le site de Bécédia.

Un groupe de résistants à Saint-Nicolas-du Pélem dans un champ

Un groupe de résistants à Saint-Nicolas-du Pélem dans un champ (22).

Photo : Roger Gouriou.
Source : collections du musée de Bretagne. Numéro d'inventaire : 986.0001.77. G

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Le maquis de Saint-Marcel.

Comme le Vercors, le maquis de Saint-Marcel est l’un des grands maquis mobilisateurs entrés dans l’histoire de la France à la Libération.

Sans avoir été programmée, la fusion de la résistance intérieure bretonne et des parachutistes SAS va s’opérer sur le terrain. À partir de la nuit du 5 au 6 juin 1944, alors que le Débarquement a lieu en Normandie, les Alliés larguent 475 parachutistes français à Duault (Côtes-du-Nord) et à Saint-Marcel, non loin de Malestroit (Morbihan).

« Pourquoi ce terrain ? Parce que, d'une part, il y a une ferme à côté, la ferme de La Nouette, dont les fermiers, la famille Pondard, sont connus pour leur sympathie résistante. Et puis, il y a une grande zone qui est tout à fait propice au parachutage et qui est facilement repérable depuis les airs puisque vous avez la voie ferrée à proximité. Vous avez l'Oust et la Claie, deux cours d'eau qui sont identifiables depuis les airs par les nuits de pleine lune. Ce concours de circonstances fait que cette zone à proximité de Saint-Marcel va être identifiée très vite et mise en réserve pour être utilisée juste avant et pendant les opérations de libération », explique Tristan Leroy, conservateur du musée de la Résistance Bretonne de Saint-Marcel dans un podcast sur le site de Bécédia consacré à cet événement.

PODCAST La Bataille de Saint-Marcel

Le 18 juin 1944, l'armée allemande liquide Saint-Marcel, un important maquis morbihannais. Les deux semaines d'intense activité de la Résistance et la terrible répression qui ont suivi ont durablement marqué les habitants.

Chaque nuit, 150 à 200 containers arrivés du ciel permettent d’armer 3 000 à 4 000 hommes des bataillons FFI et FTP du Morbihan. L’existence de ce maquis s’avère toutefois très courte. Le 18 juin 1944, les Allemands attaquent le camp où se trouvent environ 2 400 hommes. La bataille de Saint-Marcel dure toute la journée. L’aviation britannique, la RAF, intervient pour soutenir les combattants français. Vers 22 h, les maquisards parviennent à décrocher et à se disperser, aidés et cachés par la population.

Les jours suivants, secondé par des agents français déguisés en parachutistes et des miliciens français et bretons du Bezen Perrot, l’occupant déclenche de vastes rafles, récupère des dépôts d’armes, incendie des fermes et des villages, arrête, torture, traque et massacre des parachutistes, des résistants et des civils.

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Le maquis de Saint-Connan

Après la défaite des maquisards de Saint-Marcel, un autre maquis se forme début juillet 1944, cette fois dans les Côtes-du-Nord : le maquis de Plesidy Saint-Connan, dont l’histoire est aujourd’hui portée par le Musée de la résistance en Argoat, se constitue avec le concours du groupe Jedburgh Frederick.

L'effectif du maquis augmente rapidement pour atteindre 300 hommes. Or, le 27 juillet 1944, il est attaqué par les Allemands. Les maquisards, commandés par Jean Robert, tentent de résister notamment dans le bois de Coat-Mallouen, tenant deux heures avant l'arrivée de renforts allemands, avant de se replier en forêt de Duault. Les Allemands renoncent à les poursuivre.

Un film, tourné un an plus tard, par les résistants qui avaient pris part à ce maquis, raconte cet épisode.

La libération de Guingamp, un film de Guy et Anselme Delattre conservé à la Cinémathèque de Bretagne.

Août 1945. Reconstitution du maquis de Plésidy-Saint-Connan avec les anciens maquisards de Coat-Mallouen, entre Guingamp et Rostrenen, qui jouent ici leur propre rôle.

Cap vers l’ouest !

Arrivée des Américains à Mordelles le 3 août 1944
Les villageois sont attroupés le long de la route de l'Hermitage pour voir l'arrivée des chars américains.

Photographe anonyme. Source : collections musée de Bretagne. Numéro d'inventaire : 2013.0003.31

Entre le Débarquement du 6 juin et la mi-juillet 1944, les Alliés s’enlisent dans le bocage normand, progressant beaucoup moins rapidement que prévu. Face à une situation au point mort, une opération de grande envergure est mise en place afin de briser la ligne de front. Le 25 juillet, l’opération Cobra est lancée depuis le nord du Cotentin. Le 31 juillet, les blindés américains prennent Avranches, porte vers la Bretagne, comme le raconte un article de Christian Bougeard sur Bécédia

Le 1er août, Patton, qui vient de prendre le commandement de la IIIe armée américaine, ordonne de se diriger vers la Bretagne et la vallée de la Loire. 120 000 hommes et 10 000 véhicules s’engouffrent dans la brèche d’Avranches en trois jours. Deux divisions blindées (DB), deux divisions d’infanterie et la Task Force A du général Earnest entreprennent de libérer la Bretagne. Fougères et Dol sont libérées les 2 et 3 août. Les Américains entrent dans Rennes le 4 août.

Des Résistants défilent place de la Mairie à Rennes, le 4 août, à l’occasion de la Libération de la ville

Des Résistants défilent place de la Mairie à Rennes, le 4 août, à l’occasion de la Libération de la ville

Photo : Roger Aloncle
Source : collections musée de Bretagne. Numéro d'inventaire : 978.0024.93

[flash-back]
La Bretagne, une position stratégique sur le Mur de l’Atlantique

Saint-Nazaire, Brest et Lorient : ces grandes infrastructures portuaires s’avèrent particulièrement précieuses pour l’Allemagne nazie, qui s’y intéresse de près, dès son arrivée en Bretagne en juin 1940.

C’est dans ces ports que de nombreux navires de la marine de guerre allemande (Kriegsmarine) sont accueillis tout au long du conflit. C’est aussi là que sont construites des bases pour les U-Boote, ou Unterseeboot (sous-marins), destinés à attaquer des convois alliés en Atlantique, notamment ceux qui rejoignent l’Angleterre.

Base de sous-marins de Keroman à Lorient

Base de sous-marins de Keroman à Lorient

Source : Fonds des archives de la ville de Lorient.
Pour aller plus loin : https://patrimoine.lorient.bzh/3945/la-poche-de-lorient

Ces chantiers titanesques sont dirigés par l’organisation allemande Todt, groupe de génie civil et militaire de l’Allemagne nazie. Todt est aussi chargée d’ériger les fortifications côtières du Mur de l’Atlantique, des constructions conçues pour empêcher une invasion du continent européen depuis la Grande-Bretagne.

Groupe d'Américains et de jeunes filles sur le pont de Châteaudun à Rennes, en août 1944.

Groupe d'Américains et de jeunes filles sur le pont de Châteaudun à Rennes, en août 1944

Photographe anonyme.
Source : collections du musée de Bretagne. Numéro d'inventaire : 977.0030.171

Les troupes alliées sont accueillies par une foule en liesse. Mais le temps est compté. Il faut se diriger rapidement vers les grands ports bretons transformés en forteresses (Festungen) : Saint-Malo, Lorient, Saint-Nazaire et surtout Brest.

La cité du Ponant constitue en effet une place militaire vitale. Le port, transformé en base pour les sous-marins – les fameux U-Boot –, revêt une grande importance stratégique et les Alliés en ont grandement besoin pour y décharger les millions de tonnes de matériel de guerre.

L’avancée des troupes américaines est fulgurante : la 4e division blindée (DB), en route vers Lorient, atteint Vannes le 5 août, Hennebont et Pont-Scorff le 7 août. En revanche, l’armée allemande, qui s’est retirée dans la base sous-marine de Keroman, oppose une défense lourde dont les Alliés ne viennent pas à bout. C’est le début de la « poche de Lorient ».

Le front d'Etel en septembre 1944. Deux combattants des F.F.I. font face à deux vieilles femmes en costume et coiffe du pays de Lorient. Leur cheval de trait est chargé de chaises et d'autres objets emportés dans la fuite de la poche de Lorient, bombardée.

Le front d'Etel en septembre 1944
Deux combattants des F.F.I. font face à deux vieilles femmes en costume et coiffe du pays de Lorient. Leur cheval de trait est chargé d'objets emportés dans la fuite de la poche de Lorient, bombardée.

Photographe anonyme. Source : collections du musée de Bretagne. Numéro d'inventaire : 990.0032.837

Septembre 1944 à Brest. Vue de la rue Jean Macé détruite. Deux soldats se déplacent parmi les ruines.

Septembre 1944 à Brest
Vue de la rue Jean Macé détruite. Deux soldats se déplacent parmi les ruines.

Photographe anonyme. Source : collections du musée de Bretagne. Numéro d'inventaire : 2003.0069.9

La 6e DB américaine fonce quant à elle vers Brest par le centre de la Bretagne. Elle pénètre dans Loudéac le 3 août et Pontivy le 4, contourne Carhaix le 5, atteint Lesneven le 6 août. De sanglants combats ont lieu un peu partout en Bretagne, entre Résistants et troupes ennemies. Nantes est libérée le 12 août 1944, comme le relate un article sur Nantes Patrimonia.

À Brest, les GI’S ne parviennent pas à atteindre leur objectif, car les Allemands sont déjà retranchés dans la ville. Une autre unité blindée américaine se charge de l’axe nord de la Bretagne : après avoir libéré Dinan, elle atteint Saint-Brieuc, le 6 août, Guingamp le 7, Morlaix le 8. Elle participe aux combats en presqu’île de Crozon jusque mi-septembre.

Partout, les Résistants sont actifs : ils participent directement aux combats aux côtés des GI’s, ils fournissent des renseignements aux forces alliées, permettant souvent d’éviter des bombardements et des destructions inutiles. Arrivés aux abords de Brest, les combats sont longs et les bombardements intenses. Brest est libérée le 18 septembre 1944.

Assaut des troupes américaines sur Brest

Ce film, conservé à la Cinémathèque de Bretagne, montre des soldats américains traversant Brest en ruines. Source : Cinémathèque de Bretagne.

Vue générale du centre-ville détruit en 1944, la rue de Siam

Vue générale du centre-ville détruit en 1944, la rue de Siam

Photographe anonyme. Source : archives municipales de Brest

Remise des clés de la ville par le général américain Troy H. Middleton à Jules Lullien, le maire, en présence de l'armée américaine et des autorités communales françaises le 20 septembre 1944

Remise des clés de la ville par le général américain Troy H. Middleton à Jules Lullien, le maire, en présence de l'armée américaine et des autorités communales françaises, le 20 septembre 1944

Photo : US army photograph. Source : archives municipales de Brest

Groupe de Brestois requis de la Défense passive.

Groupe de Brestois requis de la Défense passive

Photographe anonyme. Source : archives municipales de Brest

Le pont national (aujourd’hui pont de Recouvrance) à Brest, détruit par les bombardements en août-septembre 1944

Le pont national (aujourd’hui pont de Recouvrance) à Brest, détruit par les bombardements en août-septembre 1944

Photographe anonyme. Source : collections du musée de Bretagne.

Été 1944 :
un été meurtrier

Le 13 juin 1944, 31 otages originaires de Callac sont exécutés dans le bois de Boudan à Plestan par l'armée allemande. À gauche : exhumation d’un cadavre en août 1944. À droite : un général américain visite la fosse de Plestan.

Source : photos anonymes. Source : collections du musée de Bretagne. N° inventaires : 990.0032.855 et 990.0032.850

« Dès le Débarquement, les représailles allemandes ne se font pas attendre, écrit Jacqueline Sainclivier. Le 7 juin, 74 notables bretons sont arrêtés puis emprisonnés à Rennes. Le 8 juin, 32 résistants dont neuf Espagnols et Maurice Prestaut, le chef régional du mouvement Défense de la France, sont exécutés à Rennes. Pour l'occupant, alors que les troupes américaines approchent, la lutte contre les « terroristes » et les « bandes » est une priorité.

L’armée allemande, en repli, traque les maquis et multiplie les exactions : la Résistance attaque les troupes allemandes de toute part, et ces dernières se sentent alors dans leur droit de répliquer par des prises d’otages, des déportations, et des massacres. La loi militaire allemande les y autorise : en effet, depuis février 1944, l’ordonnance Sperrle stipule que pour chaque soldat allemand attaqué, les troupes d’occupation devront répondre par la plus violente des manières.

Souvent, l’occupant est aidé par des miliciens collaborationnistes et la milice française de Vichy. Au cours de cet été 1944, certaines unités allemandes se livrent à plusieurs dizaines de massacres aveugles, comme à Plestan (22) : le 13 juin, ils fusillent 31 otages raflés les jours précédents dans la région de Duault, mais aussi dans les secteurs de Callac et Maël-Carhaix.

C’est aussi le cas, un peu plus tard, à Saint-Pol-de-Léon et à Penguérec, sur la commune de Gouesnou, où 44 civils sont sommairement exécutés. « En Bretagne, tout comme en Normandie, l’occupant n’a que peu de temps pour entreprendre de tels massacres, car la priorité est donnée à la ligne de front. Et les Allemands essayent toujours dans la mesure du possible, de commettre ces massacres loin du front, donc loin des Alliés, afin, en quelque sorte, de les dissimuler », précise le jeune historien Dimitri Poupon dans un article sur Bécédia. Mais ce n’est pas le cas à Gouesnou, ni à Plouvien (33 civils fusillés les 8 et 9 août), alors que les Américains sont tout près.

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7 août 1944. Le massacre de Penguérec

Le lundi 7 août 1944, au commencement du siège de Brest et alors que l’armée américaine approche du port du Ponant, des soldats allemands massacrent 44 civils à Penguérec, lieu-dit de la commune de Gouesnou. Si les étapes de ce massacre sont aujourd’hui connues, des zones d’ombre subsistent toutefois sur les causes de cette attaque meurtrière ainsi que sur l’identité de certaines victimes. Pour en savoir plus, consultez l'article de Dimitri Poupon sur Bécédia.

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Le mouvement breton dans la collaboration

Sous l’occupation allemande, deux types de collaboration avec l’occupant sont à l’œuvre : la collaboration d’État mise en place par le régime de Vichy, et le collaborationnisme, c’est-à-dire le choix par une petite partie des Français de se mettre au service de l’Allemagne nazie pour des raisons politiques, idéologiques ou bassement matérielles. C’est le cas du Parti National Breton (PNB). Malgré son absence d’ancrage au sein de la population bretonne, qui lui voue une franche hostilité, les membres de ce parti s’engagent aux côtés de l’Allemagne nazie durant le conflit. « Issus du PNB, quelques agents rémunérés par les polices allemandes font des ravages contre la résistance bretonne, de même que le Kommando de Landerneau dirigé par l’Allemand Herbert Schaad », indique l’historien Christian Bougeard.

Les membres de ce kommando attaquent de nombreux maquis en juin et juillet 1944, faisant de nombreuses victimes. C’est aussi le cas du Bezen Perrot : cette unité est composée de jeunes du Service Spécial (service militaire du PNB) ou des Bagadou-Stourm (troupes de combat, service de sécurité du PNB). « L’unité est employée à la sécurité du SD (Sicherheitsdienst, le service de sécurité allemand), aux souricières, à la traque et l’interrogatoire de Résistants. Elle est impliquée dans des incendies, pillages, représailles, tortures, déportations, exécutions sommaires. Début août 1944, sur les presque 80 hommes qu’a compté la troupe, une trentaine accompagnée de quelques civils (dont Roparz Hemon) s’est repliée en Alsace, puis en Allemagne », rappelle l’historien Sébastien Carney dans un article sur Bécédia.

Juger la guerre

Arrestation d’un collaborateur à Rennes, le 4 août 1944

Photographe anonyme. Source : collections du musée de Bretagne. Numéro d'inventaire : 973.0002.33

Si le bruit des armes se tait peu à peu dans la péninsule, un autre épisode s’ouvre en Bretagne. L’avenir politique, mais aussi judiciaire, a été préparé de longue date. Dans la clandestinité, des hommes et des femmes ont mis en place des comités départementaux de Libération (CDL) chargés d’assurer la transition politique.

Épisode plus sombre de ces mois de Libération, l’épuration démarre dès septembre 1943 (premières exécutions sommaires) et s’intensifie dans la période de la Libération, durant l’été 1944, au fil des villes qui se libèrent. Cette épuration est parfois mise en œuvre hors de toute juridiction. « l’épuration extrajudiciaire – plus maîtrisée, cependant, qu'on ne l'a longtemps cru – s’effectue principalement entre le 6 juin et septembre 1944, lors des combats et de la répression des maquis. Il y eut 581 exécutions sommaires et plus de 270 femmes tondues en Bretagne », souligne Jacqueline Sainclivier, 595 avec la Loire-Inférieure.

Vue du quai Lamartine, après la Libération de Rennes le 4 août 1944. Des éléments du génie de l'armée américaine procèdent à des travaux sur l'immeuble effondré.

Vue du quai Lamartine, après la Libération de Rennes le 4 août 1944.
Des éléments du génie de l'armée américaine procèdent à des travaux sur l'immeuble effondré.

Photographe anonyme. Source : collections du musée de Bretagne. Numéro d'inventaire : 977.0030.623

Dans le même temps, les autorités de la Libération s’organisent afin que des tribunaux soient chargés de la répression des faits de collaboration en Bretagne. Dès le début du mois de septembre 1944, un tribunal militaire siège à Rennes : cette juridiction statue d’après le Code de justice aux armées. Concernant les civils, il existe deux sortes de tribunaux : les cours de justice et les chambres civiques. Ces deux juridictions sont présentes dans les cinq départements de la Bretagne historique.

« Contrairement au tribunal militaire, il s’agit de tribunaux d’exception qui n’ont d’autres compétences que le jugement de la collaboration. Tandis que les cours de justice jugent les cas les plus graves sur la base du Code pénal, les chambres civiques examinent une collaboration plus « ordinaire » à travers un crime nouveau : l’indignité nationale », précise l’historien Fabien Lostec dans un article sur Bécédia. Ces juridictions sont peu à peu supprimées dans le courant de l’année 1945. Seules les cours de justice et les chambres civiques d’Ille-et-Vilaine sont maintenues : elles sont chargées de traiter les dossiers restés en suspens dans les autres départements. En octobre 1948, les tribunaux rennais ferment à leur tour et leurs dossiers sont transférés à Paris, où siègent les dernières juridictions civiles de l’épuration.

144 collaborateurs sont condamnés à mort entre l’automne 1944 et l’été 1945 (31 sont exécutés). L’épuration touche aussi l’administration, le secteur économique, mais aussi la presse : la Dépêche de Brest laisse la place au Télégramme, L’Ouest-Éclair à Ouest-France.

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L’épuration des femmes en Bretagne.

PODCAST avec l’historien Fabien Lostec

24 mai 1945. La cour de justice du Finistère condamne à mort Marie-Louise B. pour son engagement dans le Service de Renseignement Allemand pendant l'Occupation. L'historien Fabien Lostec nous présente le parcours de cette femme, emblématique des 650 condamnées à mort qu'il a étudiées. Un travail qui éclaire les parcours de ces collaboratrices, bien éloignés de l'image d'Épinal de la femme tondue à la Libération pour « collaboration sentimentale ».

Une issue bien tardive

10 mai 1945. Libération de Lorient. Des jeunes femmes et des enfants fraternisent avec les soldats américains

Fonds des Archives de la ville de Lorient.
Pour aller plus loin : patrimoine.lorient.bzh/3945/la-poche-de-lorient

Si les FFI contribuent à réduire les dernières poches littorales allemandes en août et septembre 1944, elles peinent à venir à bout des poches de Lorient et de Saint-Nazaire.

Depuis mi-août 1944, en effet, la poche de Lorient est complètement encerclée. 26 000 soldats des forces allemandes sont en effet regroupés autour de la base de sous-marins. Cette « poche » allemande s’étend de la Laïta à la presqu’île de Quiberon. 26 communes restent occupées encore neuf longs mois.

Le 10 mai 1945 à 16h, dans une prairie à Caudan, le général Fahrmbacher remet son arme personnelle au commandant des forces américaines, accompagné des FFI de la région. Le lendemain, le 11 mai 1945, le territoire de la Poche de Saint-Nazaire est également libéré. C’est le soulagement après neuf mois d’isolement total. L’heure est désormais à la reconstruction.

Saint-Malo capitulation des Allemands. 7 août 1944.

Saint-Malo. Capitulation des Allemands.
7 août 1944.

Photographe anonyme. Source : collections du musée de Bretagne. Numéro d'inventaire : 981.0075.8

Réddition allemande de la poche de Lorient le 10 mai 1945. Dans le champ de Caudan (proche de Lorient), le général allemand Fahrmbacher remet son pistolet au général américain Kramer, Commandant de la 66e division d'infanterie.

Réddition allemande de la poche de Lorient le 10 mai 1945.
Dans le champ de Caudan (proche de Lorient), le général allemand Fahrmbacher remet son pistolet au général américain Kramer, Commandant de la 66e division d'infanterie

Collections du musée de Bretagne. Numéro d'inventaire : 2021.0026.40