La Résistance en Bretagne

Auteur : Christian Bougeard / juillet 2017
Le départ vers l’Angleterre, à la mi-juin 1940, de volontaires qui s’engagent dans la France libre – la Bretagne sera la première région de France dans les Forces françaises libres (FFL) –, le rejet immédiat de l’occupant ainsi que l’intérêt stratégique de la région, pour les Allemands comme pour les Britanniques, font que la résistance se manifeste rapidement sous diverses formes en Bretagne.

De la résistance pré-organisationnelle aux réseaux (1940-1942)

Dès l’été 1940 et en 1941, des dizaines de sabotages de lignes électriques ou téléphoniques perpétrés par des individus isolés sont signalés. L’ouvrier rennais Marcel Brossier est le premier fusillé de Bretagne pour cette raison le 17 septembre 1940. Un esprit de résistance s’exprime immédiatement dans les villes et sur les côtes : à l’appel du général de Gaulle, la population reste chez elle (1er janvier 1941), ou au contraire sort (11 mai, fête de Jeanne d’Arc). Le 11 Novembre 1940 (manifestation à Nantes) et le 14 Juillet 1941 puis les suivants sont célébrés. Des milliers de personnes expriment leur soutien aux Britanniques (tombes fleuries à la Toussaint 1940 à Brest) ; de 1940 à 1943, dans toute la région on assiste nombreux aux enterrements d’aviateurs ou de marins anglais. On descend dans la rue malgré les interdictions (à Saint-Brieuc et à Rennes à la mi-juin 1941). Affiches déchirées, inscriptions à la craie, tracts et premières feuilles clandestines traduisent une dissidence en cours d’organisation.

Des affiches bilingues annoncent l'exécution des premiers résistants. C'est le cas de Marcel Brossier de Rennes qui est le premier fusillé de Bretagne dès le 17 septembre 1940. Couper des câbles téléphoniques est l'une des premières formes de résistance dans la France occupée. La répression allemande est immédiate et terrible. Il faut écraser toute velléité de résistance et dissuader l'opinion publique de réagir - Archives municipales de Quimper 11 Fi 004

La construction de bases sous-marines dans les ports militaires (Brest, Lorient, Saint-Nazaire) et la présence de croiseurs à Brest (en 1941-1942) expliquent la mise en place dès l’automne 1940 (par le colonel Rémy et sa future Confrérie Notre-Dame, CND) de réseaux de renseignement. Les premiers agents des services gaullistes ou de l’Intelligence Service (IS) ont été débarqués à la pointe de Bretagne à l’été et à l’automne 1940 par des pêcheurs bretons partis en Angleterre. S’appuyant sur des relations, entrant en contact avec des petits groupes locaux (La bande à Sidonie à l’île de Bréhat), recrutant des ingénieurs ou des militaires dans les ports et les arsenaux (Stosskopf et Tanguy à Lorient, Philippon à Brest), ils forment le réseau Johnny, devenu Ker, détruit en 1942. Les réseaux Georges France 31, Jade-Fitzroy, Alliance (1943-1944) travaillent pour l’IS ; Cohors-Asturies, issu de Libération-Nord, et la CND, pour le BCRA. Mais leur durée de vie est courte (environ six mois) du fait de l’efficacité des polices allemandes et de la délation.

Dans la foulée de l’été 1940, plusieurs évasions par mer, réussies ou non, se produisent en 1941 et 1942, notamment de Douarnenez. À Carantec, le chantier naval Sibiril réussit 15 départs de 1942 à 1944 (165 passagers). Pour ne pas éveiller les soupçons, les bateaux partis sont remplacés par d’autres. Après l’occupation de la zone sud et le verrouillage des Pyrénées, les Britanniques cherchent à mettre sur pied, à partir de la Bretagne, des réseaux d’évasion. Des aviateurs alliés tombés en France ou en Belgique sont convoyés puis pris en charge par la population locale. Ce sera le réseau Var (1942), la mission Pat O’Leary (1943), puis le réseau Shelburne qui aboutit à la plage Bonaparte à Plouha (135 personnes dont 124 aviateurs évacués par des vedettes rapides anglaises en onze opérations en 1944).

Le temps des mouvements

À la différence des réseaux qui mènent des actions militaires et ont peu d’agents permanents, les mouvements doivent, par leur propagande (presse, tracts clandestins), mobiliser la population contre Vichy et l’occupant et préparer la libération du pays. En Bretagne, les bases en sont jetées en 1941 et 1942 mais ils prennent leur essor en 1943. Le parti communiste clandestin, déjà actif à l’automne 1940 (propagande), met sur pied le Front national (FN) à partir de 1941. Ses militants se confondent alors avec ceux du PC avant de s’élargir à d’autres milieux. L’exécution du Feldkommandant Hotz à Nantes le 20 octobre 1941 par trois militants envoyés de la région parisienne signe le basculement du PC dans la lutte armée ; la mort des 48 otages (à Châteaubriant et à Nantes) est un tournant majeur dans l’opinion publique. En 1942-1943, malgré une forte répression, les Francs-tireurs et partisans (FTP), la branche armée du FN, sont les principaux acteurs des nombreuses actions de résistance recensées en Bretagne (sabotages, attentats à l’explosif contre les cantonnements allemands, premières exécutions de collaborationnistes). Les autres grands mouvements de zone nord se structurent progressivement en 1942 et 1943 autour de la diffusion de leurs journaux clandestins : Libération-Nord, animé par l’ancien député SFIO de Morlaix Tanguy Prigent, se développe dans les milieux socialistes et syndicalistes ; Défense de la France, dans les milieux modérés ; l’Organisation civile et militaire et plus tardivement l’Organisation de résistance de l’Armée qui recrutent dans les mêmes milieux.

Tracts clandestins appelant la jeunesse à la Résistance - Musée de Bretagne, Pierre Tressos-Wikimedia

Le refus du Service du travail obligatoire (STO) ayant jeté dans l’illégalité des milliers de jeunes réfractaires (printemps-été 1943), les mouvements s’étoffent sans donner naissance à des maquis (premier maquis FTP à Spézet en 1943) comme dans d’autres régions, du fait de la forte densité de l’occupation allemande et de la possibilité de se cacher dans les fermes du bocage. Se pose alors la question de la préparation de l’insurrection libératrice. Sans attendre, les jeunes FTP pratiquent la guérilla avec peu d’armes et de moyens. Les autres forces mettent sur pied l’Armée secrète (AS), encadrée par des militaires de carrière ou de réserve, une troupe classique qui doit répondre aux ordres de Londres après le débarquement.

La participation de la Résistance bretonne à la libération

Du fait de la répression et d’objectifs politiques divergents, l’unification sur le terrain des forces armées des mouvements au sein des Forces françaises de l’intérieur (FFI) est tardive et incomplète en 1944. Faute d’armes, la montée au maquis est tardive, à partir d’avril-mai 1944 mais surtout après le 6 juin. Ensuite, la levée en masse est considérable puisqu’on estime à environ 35 000 FFI le nombre de combattants, partiellement armés par des parachutages, qui vont appuyer les Américains lors de la libération de la Bretagne en août 1944.

À Merdrignac (Côtes-du-Nord), le jeudi 3 août 1944, le maquis de Creneleu sort de la clandestinité. Image emblématique de la Libération de la Bretagne, des FFI armés de sten parachutées par les Alliés et circulant à bord d'une traction avant Citroën sans doute réquisitionnée, posent pour la photo à Merdrignac. Source : © Collection OBC / Musée de la Résistance en Bretagne - photo Yves Moisan - DR

Ces maquisards ont mis en œuvre les plans de sabotage préparés, appuyé les parachutistes SAS sur les deux bases de Duault et de Saint-Marcel, et pris leur part dans les durs combats de la libération. En juin et surtout juillet 1944, plusieurs maquis sont détruits par les Allemands aidés de miliciens, dont ceux du bezen Perrot. Dans la clandestinité, les responsables avaient mis sur pied, sur le modèle du Conseil national de la Résistance (CNR), les comités départementaux de Libération (CDL) chargés d’assurer la transition politique, ainsi que les nouvelles autorités (le commissaire de la République Le Gorgeu, les préfets et les maires de la libération). Cette relève fonctionne partout dès le départ de l’occupant, avant même l’arrivée des Américains. En dépit de quelques excès de l’épuration, le retour à la légalité républicaine s’opère en quelques jours. Les FFI contribuent à réduire les dernières poches littorales allemandes et ils vont tenir les poches de Lorient et de Saint-Nazaire jusqu’au 10-11 mai 1945. Du fait de son lourd tribut (fusillés, déportés) et de son action, la Résistance s’est inscrite durablement dans la mémoire régionale et nationale (maquis et bataille de Saint-Marcel).

CITER CET ARTICLE

Auteur : Christian Bougeard, « La Résistance en Bretagne », Bécédia [en ligne], ISSN 2968-2576, mis en ligne le 3/07/2017.

Permalien: http://bcd.bzh/becedia/fr/la-resistance-en-bretagne

Bibliographie

  • Bougeard Christian, Histoire de la Résistance en Bretagne, Paris, éd. Jean-Paul Gisserot, 1992.
  • Sainclivier Jacqueline, La Résistance en Ille-et-Vilaine 1940-1944, Rennes, PUR, 1993.
  • Bougeard Christian, La Bretagne de l’Occupation à la Libération (1940-1945), Rennes, PUR, 2014.

Web documentaire

Les Résistances, webdoc réalisé par F3 en 2015. Il se compose de courts et moyens-métrages, de témoignages d’acteurs, encadrés par un commentaire historique.

http://lesresistances.france3.fr/home

Épisode n° 3 : Du Nord à la Vendée

http://lesresistances.france3.fr/documentaire-nv

Proposé par : Bretagne Culture Diversité