Les chapelles
L’organisation architecturale d’un édifice religieux permet de déterminer les pratiques de dévotion dans celui-ci, car à chaque espace correspond un autel dédié, et donc un culte spécifique. Dans le cas le plus courant, notamment pour les chapelles en Bretagne, le plan est rectangulaire et l’autel est unique, placé dans le chœur de celle-ci, avec une nef simple, dont la délimitation matérielle est la barrière de communion, et plus rarement le jubé, séparation monumentale entre le chœur et la nef, surmonté d’une tribune et remplacé par la barrière de communion après le concile de Trente. Pour des édifices plus élaborés (églises ou chapelles), le plan est en croix latine, avec deux bras de transept, disposant chacun d’un autel. Ces autels sont qualifiés de « secondaires », par rapport au saint dédicataire du lieu mais, surtout, par rapport à l'autel majeur qui comporte un tabernacle où étaient célébrées les messes du dimanche lorsque les chapelles étaient des lieux réguliers de culte.
Ces chapelles latérales, avec leur autel, sont souvent d’anciennes chapelles nobles, qui aux xviie et xviiie siècles, ont été investies par des frairies ou par des « corporations » rurales. Le cas le plus fréquent en Morbihan par exemple est la présence d’une chapelle latérale dédiée à saint Cornély (patron des bêtes à cornes) et/ou d’une seconde sous le vocable de saint Isidore (patron des laboureurs). Ces deux dévotions, développées dans le courant du xviie siècle, sont des indicateurs de la composition sociale et économique de l’espace communautaire du village, à la période moderne.
Chaque autel a sa représentation anthropomorphique du saint avec une statue et son attribut iconographique. Elle est placée, de manière générale, sur un socle et une niche de retable, à mi-hauteur de l’édifice. Cette position correspond à une fonction d’intercesseur, entre le niveau de sol (fidèles) et la partie haute (le ciel céleste). Sur le mur du chevet, deux autres socles reçoivent la statue du saint dédicataire, généralement associée à celle de la Vierge à l’Enfant, quand celle-ci n’est pas la principale dévotion du site. Cette ordonnance architecturale de la chapelle ou de l’église, dans une majorité des cas, n’est donc pas fonction du pardon annuel, et correspond d’abord à une organisation assez standardisée des lieux de culte pour la pratique d’offices réguliers. L’office du pardon compose, pour les chapelles toutefois, le point d’orgue annuel.
Au xxe siècle, l’organisation de pardons a conduit à deux évolutions dans l’organisation fonctionnelle et architecturale. Elles concernent d’abord la sacristie. Cette pièce indépendante, généralement placée en accès direct avec le chœur, permettait dès le xviie siècle, la préparation des offices réguliers dans les chapelles, pour un desservant, prêtre célébrant l’office, généralement responsable de la paroisse et le plus souvent extérieur au village de la chapelle. La disparition progressive de ces offices réguliers a donné une fonction nouvelle à ces sacristies : le mobilier a été remplacé, pour devenir majoritairement un lieu de stockage du matériel et des denrées nécessaires au pardon annuel, et ce lieu permet la conservation des objets en lien avec la procession.

Par ailleurs, et dans le cas de certains pardons importants, un autel extérieur a été créé. Cela répond tout d’abord à une fréquentation trop importante pour l’édifice d’origine, mais sans doute également à l’application du concile de Vatican II (missel promulgué par Paul VI en 1969), qui préconise que le desservant officie face aux fidèles. Ainsi, certains autels adossés au chevet ont été parfois déplacés et la pierre monolithe sommitale a été réemployée pour ces autels extérieurs (ils ne doivent pas être confondus avec les autels et croix de mission, très en vogue à la fin du xixe siècle).
À ces autels extérieurs, peut être ajoutée une chaire à prêcher, mais de moindre manière et avec une datation plus ancienne. C’est le cas assez rare, en Morbihan, d’une chaire de ce type, adossée sur le mur de l’église du Guerno (ancienne chapelle tréviale de Noyal-Muzillac). Sa fonction était d’abord la prédication lors d’événements importants, dont le pardon. L’office était alors sans doute réalisé à l’extérieur lorsque les assemblées étaient trop nombreuses pour être abritées dans les murs de la chapelle ou de l’église. Toutefois, les chaires extérieures sont particulièrement nombreuses en Bretagne par rapport au reste de la France : Vitré (Ille-et-Vilaine), Runan et Pleubian (Côtes d’Armor), Guérande (Loire-Atlantique). Mais cette abondance de chaires extérieures peut aussi s’expliquer par la pratique des prédications publiques extérieures, venues d’Italie et d’Espagne, dès la seconde moitié du xve siècle. La construction d’une scala santa ou « escalier saint » peut être également mise en lien avec une pratique lors du pardon, mais l’usage religieux de cette architecture n’est pas forcément limité à ce seul temps. Composé sur le modèle romain, deux hauts lieux de pardons et de pèlerinages en Bretagne conservent un tel édifice : Sainte-Anne-d’Auray (Morbihan) construite à la fin du xviie siècle et Notre-Dame de Quelven (Guern, Morbihan) construite au milieu du xviiie siècle. L’usage, pour les deux sites, est d’abord l’obtention d’une indulgence en fonction des marches montées à genoux et cette pratique est présente lors du jour du pardon, mais pas exclusivement.
On ne peut donc pas considérer qu’il existe une architecture spécifique à la pratique du pardon, à l’exception de quelques autels extérieurs. En revanche, toutes ces composantes bâties ont un un usage simultané le jour du pardon, et uniquement ce jour-là. On peut également ajouter certains abris en bois ou acier construits par les comités de chapelles pour abriter le matériel du pardon (bancs, tables et tréteaux, barbecues et tentes). À l’inverse, certains objets sont spécifiques à ce temps communautaire du pardon, comme les statues ou les croix de procession.
Les fontaines

Dans une conception standardisée de l’espace d’une chapelle, la fontaine est essentielle dans la pratique du pardon. C’est le point B de la procession au départ de la chapelle qui compose le point A. Dans une majorité de cas, la chapelle et la fontaine sont contemporaines, dans leur première phase architecturale, notamment pour les édifices construits aux xvie et xviie siècles. Cette fontaine est généralement à flanc de colline ou à sa base, avec une alimentation d’une source permanente.
Elle peut être à proximité immédiate dans le placître, ou dans une majorité des cas, distante de quelques dizaines de mètres. Elle est composée d’un édicule maçonné et couvert, qui protège le bassin de la source des feuilles mortes et autres impuretés. Au fond de cet édicule, une niche avec socle conserve une statuette du saint dédicataire, au-dessus du bassin. Une majorité de fontaines est datée par inscription et parfois, les armes du seigneur prééminencier (similaires à celles de la chapelle) sont présentes pour les plus anciennes (xvie siècle avec l’exemple de la fontaine de l’église de Saint-Yves à Bubry, Morbihan). Le premier bassin alimente en contrebas un second, qui, généralement, sert de lavoir commun.
Comme pour la chapelle, cet édifice est un lieu de réunion du village, mais sa fonction commune et religieuse n’existe que le jour du pardon. Cet usage au seul jour du pardon n’interdit pas le reste de l’année une dévotion individuelle, dans le cadre d’une fonction votive de la fontaine, généralement propitiatoire. Le cas général est le jet de monnaie (offrandes), mais on retrouve des pratiques plus localisées et atypiques, comme celle de la mie de pain posée sur l’eau du bassin primaire. Dans le cas de Sainte-Hélène et Ploërmel (Morbihan), cette pratique permet de connaître le destin d’un marin en mer, qui sera sauvé si le morceau de pain reste à la surface. Dans le cas de Perros-Guirec, l’épingle fixée sur la statue de la fontaine garantissait à une jeune fille de trouver un époux.
