Le conte en Bretagne

Le beau conte le vrai

Passionné par la collecte de chants bretons qui aboutit en 1868 à un premier volume de Gwerziou Breiz-Izel, Luzel se prend bientôt d’intérêt pour les contes populaires. De 1869 à 1873, ils font l’objet de plusieurs missions officielles.

Né en 1821 dans une famille de riches fermiers trégorrois, Luzel avait pour ambition de faire pour la Basse-Bretagne ce que les frères Grimm avaient fait pour l'Allemagne. Il est mort en 1895 à Quimper où il était archiviste et conservateur du Musée Archéologique.
Huile de Yan Dargent. Musée des Jacobins, Morlaix.
Ces diable-ogres sont l'une des épreuves que Jean doit surmonter pour délivrer la princesse.
Illustration de Théophile Busnel pour « L'homme aux deux chiens », conte recueilli par Luzel auprès de Marguerite Philippe. Coll. CRBC.

« J’ai été le premier à donner des versions exactes et parfaitement authentiques de nos contes ; j’ai beaucoup cherché et beaucoup trouvé ; mais il restera encore, après moi, bien des découvertes intéressantes à faire sur le sujet, et je ne puis qu’engager et encourager les jeunes folkloristes bretons à en tenter l’épreuve, en les assurant que leur peine ne sera pas perdue. »

Introduction aux Contes populaires de la Basse-Bretagne, 1887.


Luzel, dont les premiers contes publiés sont revisités à la manière de Souvestre, se montre très vite plus rigoureux. Le petit volume de Contes Bretons (1870) est, pour les spécialistes, l’un des tout premiers en France consacré au vrai conte populaire. Luzel y propose, à titre d’essai, six contes sous des formes plus ou moins élaborées, en breton et en français.

Il est sans doute poussé par la parution imminente à Brest du recueil d’Amable Troude et Gabriel Milin, Ar Marvailler Brezounek (le Conteur Breton), sept contes, intéressants mais retravaillés, donnés en breton avec traduction en regard.

En septembre 1906, lors de la pose d'une plaque commémorative sur le manoir de Luzel à Keramborgne en Plouaret, Anatole Le Braz est photographié entre Marguerite Philippe, la principale conteuse et chanteuse de Luzel, et la fille de Barbe Tassel, une autre conteuse. A gauche, le poète Charles Rolland et l'américaine Ange Mosher.
Coll. CRBC.

Son appel a été entendu. Luzel initie notamment Anatole Le Braz qui recueille quelques contes, mais surtout des croyances et des récits légendaires. Sa Légende de la Mort en Basse-Bretagne (1893) lui vaudra une belle notoriété.

Les Contes Bretons n’ont guère d’écho et Luzel doit alors se résoudre à disséminer ses collectes dans diverses revues. En 1879, il se voit même contraint, pour des raisons «commerciales», de reprendre dans ses Veillées Bretonnes le principe de mise en scène cher à ses devanciers !

Après une longue interruption, il se remet à la collecte et à l’édition : en 1881, il publie deux volumes de Légendes chrétiennes de la Basse-Bretagne puis, en 1887, trois volumes Contes populaires de la Basse-Bretagne.

Comme les chants populaires, les contes sont l'objet d'une querelle d'école : à la rigueur méthodique des Contes bretons de Luzel, Troude et Milin, deux partisans de La Villemarqué, opposent le bon goût qui interdit de présenter au public une matière « brutalement brute. »
Coll. CRBC et La Villemarqué.