Le conte en Bretagne

Un « âge d'or » de la collecte

A l’exemple de Luzel, les collecteurs se multiplient en Bretagne, comme en France. Ils disposent de revues spécialisées pour publier documents et études : Revue Celtique (1870), Romania (1872), Mélusine (1877)...

Le grand homme de cette fin de siècle est Paul Sébillot. Né en 1843 à Matignon dans les Côtes-d’Armor, il entre en 1875 en contact avec Luzel qui l’encourage à collecter et l’initie à sa méthode. A l’automne 1878, parti peindre les paysages des environs d’Ercé en Ille-et-Vilaine, la pluie continuelle l’entraîne à interroger la fille du jardinier du château du Bordage où il réside. A sa grande surprise, elle lui donne des contes, puis recrute d’autres conteurs. A Ercé, puis à Saint-Cast et dans les environs de Montcontour, Sébillot organise des «veillées» qui lui permettent d’amasser plus de deux cents contes. Dès 1880, il fait paraître un recueil de Contes populaires de la Haute-Bretagne, le premier d’une longue série.

Grâce à l'aigle, le Roi des oiseaux, le héros récupérera sa tabatière magique et son château suspendu au ciel par quatre chaînes d'or.
Gravure de Louis-Ernest Lesage dit Saïb pour illustrer « Le château suspendu dans les airs » recueilli en 1881 par Paul Sébillot auprès d'Élie Ménard à Plévenon.
En 1884, Sébillot, à gauche, pose avec Luzel, à droite, et l'écrivain Ernest Renan : trois personnalités qui ont fait accéder la littérature orale au rang d'objet d'études scientifiques. Auteur d'une impressionnante collecte, Sébillot élabore également les premiers outils de recherches (questionnaires, bibliographies, ...), publie des ouvrages de synthèse, lance, en 1881, la collection des « Littératures populaires de toutes les nations », l'une des grandes collections de littérature orale, créé la Société des Traditions Populaires, et, en 1886, la revue du même nom. Il peut être considéré comme le père d'une ethnographie française où la Bretagne joue un rôle prépondérant.
Coll. part.

Les collectes de Sébillot contribuent à faire de la Haute-Bretagne l’une des régions les mieux explorées. Elles seront complétées par celles d’Adolphe Orain ou de l’abbé François Duine. Au premier on doit les Contes de l’Ille-et-Vilaine (1901), les Contes du Pays Gallo (1904) et au second de très nombreux articles sur les traditions populaires et Cojou-Breiz (1896), résultat de ses collectes à Plougasnou, près de Morlaix, où l’a amené son amitié avec Elvire de Cerny. Il convient aussi de mentionner les collectes d’Oscar Havard en Ille-et-Vilaine et celles menées dans la région nantaise par Edmée Vaugeois.

Le géant Norouâs (Nord-Ouest), ici avec son frère Surouâs (Sud-Ouest), offre au héros une serviette, un âne et un bâton magique qui lui assurent la fortune.
Illustration de Léonce Petit pour le conte « Norouâs » recueilli en 1880 par Paul Sébillot auprès de François Marquer, 13 ans, de St-Cast.