Le conte en Bretagne

Vous avez dit « populaire » ?

L’un des reproches adressés aux « folkloristes » est le caractère élitiste de leurs études et publications. Dès 1874, déçu par l’incompréhension des milieux intellectuels vis-à-vis de « la véritable culture populaire », Luzel s’était bien tourné vers le journalisme pour s’adresser directement au peuple et lui faire prendre conscience de l’intérêt de sa propre culture. Ce fut un échec. Une vingtaine d’années plus tard deux Vannetais, Loeiz Herrieu et François Cadic, s’y essaient à leur tour.

L’intérêt tardif pour le pays de Vannes, bien négligé par les premiers collecteurs, explique sans doute un caractère plus «militant», lié à des circonstances nouvelles : l’exode rural qui conduit nombre de Bretons à émigrer vers la région parisienne, l’attitude méprisante à l’égard de la Bretagne et de sa langue (Bécassine, 1905). Passés bien souvent par le petit séminaire de Sainte-Anne d’Auray, regroupés autour de la Revue Morbihannaise (1891), Max Nicol, Jérôme Buléon, Pierre-Marie Lavenot publient contes et légendes du Morbihan bretonnant.

Leur exemple est suivi par François Cadic, qui, en 1897, fonde la Paroisse Bretonne de Paris et, en avril 1899, un bulletin du même nom. Le «recteur des Bretons de Paris» y publie des chansons, et plus de deux cents contes et légendes, recueillis pour la plupart dans la vallée du Blavet.

Ratapoil se débarrasse du charagine (ogre vannetais) et s'empare de son château.
Illustration de Claude Verrier pour « Le Marquis Barbara et son chat », une version du conte bien connu du « Chat Botté », recueillie par François Cadic auprès de Mme Le Govic à Bieuzy (Contes de Basse-Bretagne, Paris, Erasme, 1955). Coll. Fañch Postic.

La collecte d’Yves Le Diberder au début du XXe siècle à Gâvres (auprès de Stéphanie Guillaume) ou à Pont-Scorff (auprès de Perrine Daniel), est encore plus importante. Ce sera un virulent défenseur de la langue bretonne comme Loeiz Herrieu qui, en 1905, crée Dihunamb, une revue entièrement rédigée en breton, où contes et chansons trouvent place. Joseph Frison et Zacharie Le Rouzic (connu surtout pour ses travaux archéologiques) recueillent également des contes et légendes du pays vannetais, et d’autres encore...

A gauche : projet de couverture d'un recueil de François Cadic par Jeanne Malivel, vers 1920. A gauche : catalogue de l'exposition Ar Seiz Breur, Musée de Bretagne, 2000.
A droite : « Ozegan », aquarelle (vers 1930). Projet d'illustration des contes de Le Diberder par Pierre Cadre, repris en couverture de l'édition Terre de Brume présentée par Michel Oiry, 2001.
Jean-Marie Le Bourlot est l'un des principaux chanteurs et conteurs de l'abbé François Cadic : « Bourlot, le mendiant aveugle de Bieuzy, après vous avoir conté cinquante légendes et chanté vingt chansons, vous déclarait qu'il était encore à votre disposition pour huit jours pleins. On est confondu à l'idée de la gymnastique que ces paysans qui n'ont pas d'instruction, imposent à leur cerveau. »
Coll. part.
François Cadic (1864-1929).
Coll. Part.